🏆 Mon Oscar 🏆
- Dimitri Z.
- 30 mars
- 10 min de lecture
Dernière mise à jour : 14 avr.

Ce 30 mars 2025 est un jour très spécial. Et ce n’est pas à cause du changement d’heure. C’est un jour lourd. Un jour qui marque. 30 mars. Le jour où j’ai percuté le sol. Six ans aujourd’hui.
Il y a une part de moi qui veut célébrer. Célébrer d’avoir frôlé la mort. D’avoir survécu. Et puis, il y a l’autre part. Celle qui n’oublie pas. Qui ne peut pas. Qui ne veut pas oublier les douleurs, les silences, les tourments. Toutes les souffrances. Il a fallu que je passe à un souffle de la mort pour que mes œillères tombent. Pour que je voie la vie. La vraie. Et que je commence, enfin, à la savourer.
Je suis un pur produit du monde de l’entreprise. Comme beaucoup, tout a commencé par le stage de 4e. Puis les jobs d’été. Puis les petits boulots à côté des études, juste pour gratter quelques billets. Costume, cravate : mon uniforme. À la fac de droit comme en rendez-vous client. Quand j’ai pris des responsabilités, j’étais ce type d’homme qui lançait sa journée dès 8h00, téléphone en main, à galvaniser les troupes. Le monde appartient à ceux qui se lèvent tôt, non ?
Un bon soldat. Un bon garçon. Comme mon père, VRP, j’ai commencé dans la vente. Et j’ai appris très tôt une chose : si tu veux manger, il faut vendre. J’étais payé uniquement à la commission. Je n’avais ni carte pro, ni téléphone. Juste ma voix et ma rage. Si je ne voulais pas m’appauvrir, mieux valait assurer.
On m’a dit que pour réussir, il fallait bosser. Dur. Tout le temps. Alors j’ai bossé. Dur. Tout le temps. 10 à 12 heures par jour. 6 jours sur 7. J’ai suivi la voie qu’on avait tracée pour moi, avec zèle. Deux, trois semaines de vacances par an. Pas de ponts. Encore moins de viaducs. Pas parce qu’on m’y forçait. Parce que j’y croyais. Vraiment. Parce que j’étais convaincu que c’était le prix à payer. Que c’était ça, la voie des gens qui réussissent. Je ne voulais pas faire partie des “feignasses”. Tu sais, ceux qui se plaignent tout le temps, qui sacrifient leur avenir sur l’autel des loisirs. Ceux qui ratent tout. Même leur vie perso.
J’ai donc, comme beaucoup, appris à tenir bon. À ne pas déranger. À ne pas douter trop fort. J’ai appris à serrer les dents quand ça n’allait pas. À encaisser sans broncher. À faire ce qu’il fallait. Toujours. À avancer coûte que coûte. Atteindre les objectifs. Cocher les cases. Passer les étapes. Parce que, comme beaucoup, je n’avais pas le choix.
La vie, c’est marche ou crève. Point. Et tu sais quoi ? Je suis fier de ce parcours. Fier de cette école de la dureté. Fier de ce conditionnement précoce à la performance parce qu’il m’a sauvé plus tard. Mais ça, je ne le savais pas encore.
Je suis fier d’avoir été, comme beaucoup, ce mec qui marche droit. Fier de m’être imposé, comme beaucoup, cette vie remplie de contraintes, d’efforts, d’inconforts parce que tout ça m’a offert ce que tout l’or du monde ne peut acheter : L’AMOUR (1) et LA VIE (2).
Les paradoxes que nous offre l’existence sont délicieux. Ce qui me procurait de l’argent m’a offert ce que l’argent ne peut pas acheter. Du moins… pas encore. Mais pour comprendre ça, soyez patients. Mon prochain roman vous racontera comment, aujourd’hui, la réalité dépasse largement la fiction.
L’AMOUR
C’est dans cette vie de commercial payé à la com que j’ai rencontré l’AMOUR de ma vie. Certains le croisent par hasard, dans un train, un bar, en voyage. Ils vivent des expériences communes, partagent des passions, des sorties, des week-ends en amoureux, volés à la routine.. Ils traversent des épreuves, se découvrent, s’aiment, se marient, fondent un foyer.
Nous, on ne s’est pas rencontrés. Je l’ai recrutée. Je ne l’ai pas séduite autour d’un dîner, je l’ai formée à mon métier. Je ne lui ai pas partagé mes rêves, je lui ai fixé des objectifs. Je ne lui ai pas écrit de lettres, je lui ai transmis des process. On n’a pas vécu des moments suspendus… On a signé des contrats.
Plus que des conjoints, on est devenus des associés. Des partenaires de vie. On n’a pas fondé un foyer. On a bâti une entreprise et aujourd’hui, on dirige notre empire de l’AMOUR.
C’est le monde de l’entreprise, c’est cette vie et tous ses codes, auxquels j’ai adhéré sans réserve, qui m’ont offert l’Amour. Celle qui fut mon apprentie avant de devenir mon bras droit… m’a enseigné ce qu’aucune école, aucun livre, aucun mentor ne m’avait appris : l’Amour.
Un amour né dans la rigueur. Un amour façonné par l’engagement, le respect du cadre, et l’obsession du résultat. Un amour qui s’est construit comme on construit une boîte : avec des objectifs, des contraintes, des obstacles… et une foi commune. Avec le temps, on a dépassé tous les rôles. Tous les process. Tous les protocoles. On s’est choisis. Pour de vrai.
D’abord collègues, puis partenaires, puis alliés. Une évidence. Notre amour ne vient pas d’un coup de foudre. Il vient d’un alignement, d’une vision, d’un rythme partagé. Pas de promesses. Des actes. Des projets. Des batailles menées côte à côte. C’est le travail qui nous a façonnés. C’est le cadre qui nous a réunis. C’est la rigueur qui nous a soudés. C’est la volonté qui nous a rendus invincibles.
LA VIE
C’est mon engagement dans cette vie professionnelle exigeante, mon obsession de la performance, ma discipline, ma rigueur qui m’ont sauvé la vie.
Ce ne sont pas seulement les soins, la médecine ou les opérations qui m’ont reconstruit. Ce sont aussi tous ces messages. Toutes ces vidéos d’encouragement envoyées par mes collaborateurs. C’est leur voix, leur énergie, leur foi qui ont nourri ma volonté de revenir. De revenir vite. De revenir fort.
Le seul réseau social que je possédais à l'époque, c’était LinkedIn. Pas d’Instagram. Pas de Facebook. Non. Mes premiers mots, je les ai écrits sur LinkedIn. Et les retours ont ravivé cette flamme. Cette rage de ne pas lâcher. De m’accrocher. De remonter.
C’est tout ce que le monde du travail avait imprimé en moi pendant vingt ans : la discipline. La rigueur. La détermination. L’engagement envers un objectif. La capacité à me relever après un échec. À réessayer. À recommencer. Encore. Et encore.
Ce sont tous ces appels de prospection où l’on me raccrochait au nez. Toutes ces présentations ratées. Ces clients volatilisés. Ces rendez-vous annulés à la dernière minute. Ces collaborateurs adorables en façade, destructeurs en coulisses. Ces trahisons. Ces silences. Ces abandons.
Ce sont aussi toutes ces lectures — leadership, stratégie, communication, performance, psychologie, neurosciences, intelligence collective — tout ce savoir digéré dans l’ombre, réactivé dans le chaos de mon cerveau fracassé.
Dans ce chaos cérébral, dans ce néant, ce sont mes réflexes d’entrepreneur, de leader, de commercial, de stratège, de lecteur, d’apprenant, de chercheur, de formateur, d’humain en quête de progression… qui ont émergé.
Tous ces outils. Toutes ces heures. Toutes ces remises en question. Tous ces protocoles, ces frameworks, ces plans B. Tous ces « on va y arriver » murmurés dans le noir d’une salle de réunion vide… Je les ai activés pour une seule chose : ma survie.
Le travail m’a aussi appris la patience. Il m’a appris que certaines choses importantes, les vraies, les durables, se construisent loin du bruit, dans le silence, dans l’ombre, dans la durée… et surtout dans la continuité. Qu’il faut parfois laisser le temps au temps. Ne pas forcer. Ne pas précipiter. Mais s’accrocher.
Dans une société shootée à la dopamine, à l’instantané, à la performance immédiate, cette leçon m’a structuré. On abandonne un job, une relation, une promesse au premier inconfort. On fuit sous prétexte que “ça ne vibre plus”, qu’on “ne le sent plus”, que c’est “prise de tête”.
Mais parfois, ce n’est pas de magie qu’on manque. C’est d’ancrage. De cette capacité à voir au-delà et à endurer.
Aujourd’hui, je sais que ce message résonnera. Parce que, 6 ans après, je retrouve mes repères dans un monde où beaucoup me disent être fatigués d’aller trop vite. Où nombreux sont ceux qui rêvent de ralentir. De construire autrement. Plus profondément. Plus justement. Plus authentiquement.
C’est ce passé professionnel si exigeant, si brutal parfois, qui m’a forgé une ossature mentale capable de tenir quand tout s’effondrait. Et là, tout s’était effondré. Mais il y avait une différence : je n’avais plus d’équipe à gérer, plus de CODIR à convaincre, plus de parts de marché à conquérir. J’étais seul. Face à moi-même.
Plus de chiffre d’affaires à générer. Plus de collaborateurs à recruter. Plus de concurrents à dépasser. Mais une vie à réinventer. Un homme à reconstruire. Et aujourd’hui, je peux le dire : tout ce que j’ai appris pour réussir dans le business m’a permis de survivre dans la vie.
Ce que je veux dire ici, c’est que j’ai cartonné dans le rôle du cadre dynamique. Costume impeccable, cravate élégante, agenda blindé, discours calibré, oreillette bluetooth greffée à l’oreille. Un vrai produit du système : performant, souriant, sympa en plus, bref, le package. Certains diraient une caricature. Un pur cliché. Une façade. Le genre de mec qui “se la raconte”, qui “joue un rôle”, qui en fait trop. Qui se la pète.
Ils ne voyaient que la vitrine. La boutique, elle, brûlait de l’intérieur. Derrière le costume, il y avait un homme. Debout, oui… mais au bord de la rupture, du burn-out, de l’explosion. Un homme qui pensait de plus en plus souvent à tout plaquer, à quitter ses fonctions, à acheter une maison au bord de l’océan pour continuer à accompagner les autres — mais autrement. Revenir à l’essentiel. Offrir des stages. Transmettre. Enseigner. Avec le surf pour guide et la nature pour décor. Mais cet homme n’osait pas. Pas vraiment. Pour lui, ce serait abandonner. Et ça, c’était impossible.
Tout quitter ? Reprendre un crédit ? Se remettre la corde autour du cou, non plus en costume, mais en combi ? Plus détendu, oui. Mais tout aussi étouffant. Au fond, je ne voulais pas une autre version du même système. Intuitivement, je sentais que ce chemin n’était pas le bon. Je voulais m’en libérer. Je voulais me retrouver. Je voulais… devenir ce que je suis aujourd’hui.
Et c’est la Vie, ou la chance, ou le hasard, dans sa brutalité imprévisible, qui m’a arraché à ce que j’aurais moi-même choisi : Continuer à vivre dans l’illusion. Si on m’avait demandé de choisir entre une vie plus vraie mais traverser l’enfer, ou rester dans ma façade rassurante, j’aurais choisi la façade parce que personne ne veut souffrir volontairement. Personne.
Alors oui, je m’auto-attribue l’Oscar de l’homme parfaitement adapté à ce qu’on attendait de lui. Et maintenant que je suis là, debout sur la scène de ma propre prise de conscience, statuette en main, sous vos applaudissements, je vous livre mon discours :
Merci à mes parents, à mes profs, à mes collègues. À tous ceux qui m’ont appris à bien faire. Merci aux règles, aux horaires, aux objectifs, aux bilans de fin de mois. Merci à la peur de l’échec, au mythe du mérite, à la course au statut. Ce prix, je le dois à vous tous. Ce prix… c’est aussi le vôtre
Mais aujourd’hui, ce prix ne trône plus sur ma cheminée. Il n’est plus exposé. Je ne le montre plus fièrement à tout le monde pour prouver que j’étais quelqu'un de bien. Il dort, sagement, dans un carton, là-haut, dans le grenier. Pas par rejet. Ni par amertume. Encore moins par honte. Juste parce que j’ai compris.
Ce n’est pas ce rôle qui m’a trahi. C’est moi qui ai oublié que je jouais un rôle. C’est moi qui me suis oublié. Qui me suis enfermé à double tour, pas par manque de courage, mais par peur d’afficher qui j’étais vraiment.
Et la Vie, la chance ou le hasard me l’a rappelé. Violemment. Brutalement. Inoubliablement. Parce que c’est de ça dont j’avais besoin.
C’est là que tout a basculé. Parce que parfois, pour goûter au vrai bonheur, il faut d’abord endurer. Il faut souffrir, plonger, traverser. Il faut se confronter ou être confronté à ses failles, ses fêlures, ses limites. À ses vérités, ses croyances, ses valeurs.
Parfois, il faut passer en cycle super essorage, dans le lave-linge de l’existence, pour en ressortir lavé. Dénudé. Authentique. Parfois, pour certains, dont moi, il faut frôler la mort… pour enfin savourer la vie. Parce que sous le costume, il y avait un gosse, le petit Dimitri, celui qui aimait monter sur scène, écrire, jouer, créer. Pas pour être vu. Mais pour être en vie. Tout simplement.
Ce môme-là,je l’avais tellement mis en veille que je l’avais oublié. Et si on peut s’oublier soi-même, c’est bien la preuve que l’homme peut s’adapter à tout. Même au pire. Heureusement, mon accident l’a réveillé.
Aujourd’hui, je continue de bosser de longues heures. Je continue d’agir, de créer, d’entreprendre mais je le fais en étant entier. Je le fais sans me trahir. Je le fais en équipe, parce que seul, on n’arrive à rien et que j’adore la force de l’équipe. Je continue, oui, mais plus dans le vide. Je continue, en racontant des histoires qui portent un message d’espoir. Un message que je souhaite inspirant. Un message que je veux vivant.
Ce texte est un clin d’œil à celles et ceux qui, comme moi, se sont un peu perdus dans le monde de l’entreprise. À celles et ceux qui, comme moi, s’y sont moulés un peu trop. À tous ceux qui, comme moi, ne savent plus très bien s’ils jouent encore… ou s’ils vivent vraiment.
Je ne dis pas qu’il faut changer de vie, je ne dis pas de tout envoyer valser. Je ne dis pas qu’il faut cracher sur le monde de l’entreprise, qu’il est impitoyable, qu’il te broie ou te brise. Que c’est un monde injuste, dégueulasse, qui t’exploite et te presse comme un citron. Au contraire. Je vous raconte juste l’histoire d’un rôle pour lequel j’ai reçu un Oscar et que je suis fier d’avoir joué. Peut-être que ça résonnera chez vous ou peut-être pas mais, si c’est le cas, ce texte, je vous le dédie.
À vous, à moi, à tous les bons élèves.
À toutes les guerrières et guerriers calmes.
À celles et ceux qui aiment fort, qui donnent tout, en silence, à ceux qui avancent avec le cœur en bandoulière, même sous une cravate ou derrière un tailleur.
🎙️ Mais ce n’est pas un clap de fin. C’est la fin de cette carrière-là, de ce rôle-là. Et le début d’un autre film. Un film sans compétition. Pas d’Oscar du meilleur acteur. Pas de prix pour le retournement de situation. Juste moi, sans rôle à jouer, sans masque à porter.
D’ici à ce que peut-être nos chemins se croisent… Prenez soin de vous. Prenez soin de ceux que vous aimez.
Force & Bonheur, les amis.
Je te lis toujours avec admiration merci pour ton histoire qui est magnifique
Un anniversaire qui t’a permis « d’arriver »c’est tellement bien dit! J’ai adoré
Un gros bisou à vous 2